Séminaires
PROTECTION DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE :
LE JAPON ET LA FRANCE SONT A L’UNISSON
18 janvier 2005, Paris
LE JAPON ET LA FRANCE SONT A L’UNISSON
18 janvier 2005, Paris
Un séminaire conjointement organisé le 18 janvier 2005 par Jetro Paris et l’INPI, l’Institut National de la Propriété Industrielle, a rassemblé des acteurs français et japonais directement concernés par le fléau de la contrefaçon. Tous les secteurs sont désormais touchés, qu’il s’agisse de l’agro-alimentaire, du secteur médical, de l’automobile, des télécommunications ou de l’industrie du contenu. Deux des plus importantes entreprises japonaises ont pu apporté un éclairage particulier sur les dangers venus des pays asiatiques.
Patrick Devedjian et
Hisamitsu Arai
Hisamitsu Arai
La prise de conscience du gouvernement Koizumi
Priorité affirmée par le gouvernement japonais depuis quelques années, la lutte contre la contrefaçon a fait l’objet d’une loi entrée en vigueur en 2003 instituant un « Quartier général de la stratégie pour la propriété intellectuelle » (« Intellectual Property Strategy Headquarters ») au sein même du cabinet du Premier ministre. Sa mission est de garantir « le développement et la promotion de la création, ainsi que l’exploitation et la protection de la propriété intellectuelle », de définir les actions du gouvernement en la matière et de coordonner les diverses mesures législatives.
Le Japon a pris véritablement la mesure du problème à partir de 2002, lorsque le Premier ministre Koizumi s’est engagé officiellement à le combattre.
En 2004, cinquante mesures ont été décidées en ce sens autour de cinq axes :
- quelle position adoptée vis-à-vis de l’étranger ?
- comment agir au niveau des frontières ?
- que faire sur le marché domestique ?
- quelles aides apportées aux PME ?
- quelle coopération envisager entre les organisations gouvernementales ?
Hisamitsu Arai propose ainsi trois grands défis : établir un accord de non-prolifération de la contrefaçon et du piratage, rendre illégale l’importation de produits contrefaits pour un usage personnel - à l’instar de la France - et enfin arrêter le commerce par internet des contrefaçons et du piratage. On estime en effet que les produits vendus aux enchères sur internet au Japon sont contrefaits à 80 %. Il s’avère donc que ce fléau est aujourd’hui aussi important que celui de la drogue.
A l’occasion de ce séminaire, Hisamitsu Arai a lancé l’idée d’un traité entre la France et le Japon, la France étant présentée comme un modèle en matière de lutte pour la protection de la propriété intellectuelle.
Les contrefaçons portent atteinte à l’image de Toyota
Chez le constructeur automobile Toyota, le problème de la contrefaçon est devenu prioritaire. Une division entière s’y consacre car l’enjeu n’est plus seulement financier - par le manque à gagner - mais dorénavant sécuritaire - produits contrefaits défectueux. L’image même du groupe est en jeu. Masahiro Ezaki, Directeur général Senior de la division Propriété intellectuelle de Toyota, a dressé un état plutôt alarmant de la situation.
Trois niveaux de copie ont été observés.
Le premier concerne la marque, utilisée pour contrefaire des enjoliveurs, des filtres à huile ou des disques de frein par exemple. A ce niveau, le nombre de saisies en 2004 s’est élevé à 250, contre 60 en 2001. 90 % de ces contrefaçons provenaient de Chine (en 2002) et le nombre de pièces saisies a grimpé de 364 000 en 2001 à 1 390 000 en 2003. Malgré les saisies, la récidive est très courante puisqu’elle est estimée à 50 %. En effet, la justice chinoise reconnaît difficilement les préjudices subis par Toyota dans la mesure où il n’y a pas de règles claires, en matière notamment de similitude de logos.
Le second niveau est celui du design. Là aussi, il est difficile de faire reconnaître le préjudice et cet état de fait ne concerne pas seulement la marque Toyota. En ce domaine, l’imitation n’est pas forcément intégrale, elle peut être partielle et c’est pourquoi Toyota dépose de plus en plus de brevets pour design partiel.
Le troisième niveau concerne les brevets et modèles d’utilité, « petits brevets » qui visent à protéger au Japon les inventions à plus faible degré technologique. Ces derniers font l’objet d’un traitement permissif de la part de la Chine. Le dépôt de modèles d’utilité n’est soumis à aucun contrôle et seuls les brevets chinois sont valides sur leur territoire. Masahiro Ezaki enjoint les fabricants étrangers de déposer un brevet en Chine, même s’il est déjà déposé dans un autre pays, avant que celui-ci ne soit déposé par quelqu’un d’autre, contre qui il deviendra impossible de se retourner le cas échéant.
Pour lutter contre la contrefaçon, Toyota suggère de renforcer trois types d’actions concrètes : l’action globale des constructeurs automobiles qui se sont réunis au sein d’un comité spécial, la coopération inter-gouvernementale et enfin l’action des constructeurs japonais réunis en association.
La contrefaçon des produits Canon
Chez Canon, la contrefaçon est un problème tout aussi important, qui s'amplifie très rapidement. En 2004, 467 saisies ont été effectuées par le groupe, dont 311 en Chine. En 2001, Canon en avait dénombré seulement 42, dont 35 en Chine.
Nobuyoshi Tanaka insiste sur le fait que le renforcement des contrôles aux douanes est capital. Il s’agit non seulement d’arrêter les exportations de la Chine mais aussi d’arrêter les importations aux frontières des pays destinataires. Il lui semble aussi très utile de construire des liens plus forts entre les douanes des différents pays afin d’échanger le maximum d’informations pour mieux anticiper les nouvelles contrefaçons. En ce sens, multiplier les séminaires d’expertise et les opérations communes au niveau de chaque secteur lui paraissent autant d’actions à adopter. Car l’intelligence des contrefacteurs semble sans limites : dernièrement ils ont passé en douane des produits sans marque, le logo étant collé sur le produit contrefait chez le détaillant. Nobuyoshi Tanaka a rappelé que la sécurité des consommateurs était aussi en danger : Canon a ainsi saisi des batteries défaillantes susceptibles d’exploser.
Le commerce des produits contrefaits a été facilité par le développement d’internet. Les frontières sont plus aisément franchies du fait que la grande majorité de ce commerce est effectué en petits volumes, plus discrets. Cependant, aucune mesure effective n’étant en place, il est urgent non seulement d’adopter des mesures efficaces en ce domaine, mais aussi d’harmoniser les règles législatives entre les pays, car la contrefaçon dépasse de loin les efforts des compagnies privées, quelque soit leur taille.
Les propositions que formule Canon, par la voix de son responsable de la Propriété intellectuelle, pour lutter contre la contrefaçon sont au nombre de quatre : tout d’abord renforcer les frontières par un partage des informations entre les services des douanes de pays différents ; appliquer des peines sévères aux récidives ; agir rapidement et renforcer les contrôles sur le commerce par internet.
L’arroseur arrosé
Ce fléau est véritablement devenu mondial et « il y a longtemps que la contrefaçon a cessé d’être artisanale » renchérit Patrick Devedjian. Elle représente aujourd’hui 10 % du commerce mondial, contre 5 % en 2000, et 80 % de la contrefaçon mondiale provient de la Chine. Or à chaque transmission de technologie, la propriété industrielle est en danger, ce risque pesant inévitablement sur les relations avec ce pays. Aucun accord de libre échange ne peut être envisagé si des problèmes de protection de propriété intellectuelle subsistent, c’est pourquoi aujourd’hui le Japon n’a pas de projet en ce sens avec la Chine ou la Corée, malgré l’intérêt qu’il porte à ces deux pays.
La question de la protection de la propriété intellectuelle devient essentielle pour le gouvernement français, car en dépend la croissance future de l’économie. Toutes les industries en sont victimes, comme en ont témoigné les représentants de L’Oréal, Air Liquide ou encore du CNC, intervenants au cours du séminaire.
Le fait nouveau est l’apparition de plus en plus foisonnante de contrefaçons de produits chinois, qui entraîne les industriels chinois eux-mêmes à protéger leurs marques. L’intérêt de la protection de la propriété intellectuelle devient donc aussi chinois, et laisse espérer une réelle mobilisation du gouvernement en ce sens.
Programme de la journée
8h30 Café d’accueil
9h00 Introduction
- M. Tsuyoshi NAKAI, Directeur Général, JETRO Paris - Modérateur
9h05 Allocution d'ouverture
- M. Patrick DEVEDJIAN, Ministre délégué à l’Industrie
9h15 Interventions
- * M. Hisamitsu ARAI, Secrétaire Général, Intellectual Property Strategy Headquarters près le Premier ministre du Japon
- M. Benoît BATTISTELLI, Directeur Général, INPI - Institut National de la Propriété Industrielle
- M. François MONGIN, Directeur Général - Direction Générale des Douanes et Droits Indirects, Minefi
10h00 Questions-Réponses
10h10 Pause café
10h20 Table ronde
Aspects juridiques et politiques de renforcement de la protection de la propriété intellectuelle; lutte contre le piratage et la contrefaçon, notamment en Asie
- * M. Nobuyoshi TANAKA, Directeur Général, Cellule Propriété intellectuelle et Affaires juridiques, CANON
- * M. Masahiro EZAKI, Directeur Général Senior, Division Propriété intellectuelle, TOYOTA
- M. José MONTEIRO, Directeur, Département des Marques, L'OREAL
- M. Marc-Antoine JAMET, Président, Union des Fabricants
- Mme Monique BARBAROUX, Directrice Générale, Centre National de la Cinématographie - CNC
- M. Thierry SUEUR, Directeur de la Propriété intellectuelle, AIR LIQUIDE et Président du Comité Propriété Intellectuelle du MEDEF
- Mme Elisabeth PONSOLLEDESPORTES, Déléguée Générale, Comité Colbert
11h30 Débat et Questions-Réponses
10h10 Clôture
13h00 Déjeuner-cocktail
* Personnalités venues du Japon tout particulièrement pour ce colloque
Si vous êtes intéressé par l’une ou l’autre des présentations faites lors de ce colloque, contactez Caroline Artus cartus@jetroparis.fr