JETRO dans la presse

« Une zone de libre-échange d'Asie de l'Est pourrait voir le jour d'ici à 2010 » — Interview d'Osamu Watanabe, président-directeur général du Jetro Propos recueillis par Laurent Chemineau, à Tokyo


La Tribune, 9 septembre 2005

Le Japon sort d'un long marasme économique et voilà qu'il est confronté au vieillissement de sa population et à l'émergence d'une Chine ambitieuse... Êtes-vous inquiet ?
- Sur le plan intérieur, les réformes structurelles vont se poursuivre à un rythme soutenu. Pour que le Japon relève ces défis, il n'y a pas d'autre voie. S'agissant de la Chine, les investissements japonais y ont été multipliés par 3,5 entre 1999 et 2004. Les partenariats sont plus nombreux, si bien que les relations économiques se sont resserrées comme jamais entre les deux pays.

Mais sur le plan diplomatique, les relations avec Pékin ne se sont-elles pas dégradées ?
- Il faut reconnaître que la confiance entre les deux peuples n'est pas au rendez-vous. Les jeunes Chinois ont un sentiment antijaponais. En réaction, nos jeunes en font autant. Ces débordements passionnels, qu'il faudra bien contenir, s'inscrivent bien sûr dans le contexte de visites de notre Premier ministre au sanctuaire Yasukuni [où reposent des combattants nippons de la dernière guerre, Ndlr].

La Chine n'a-t-elle pas une longueur d'avance par rapport au Japon dans sa préparation d'accords de libre-échange ?
- D'abord sachez que les investissements japonais cumulés vers les pays d'Asie du Sud-Est représentent encore le triple de ceux effectués en Chine. Les entreprises japonaises ont tissé un véritable réseau de sites de production en Chine mais aussi dans ces pays. C'est un choix stratégique, car ce réseau permet aux entreprises nippones de choisir le site de fabrication d'un produit ou de parties d'un même produit en fonction de leurs intérêts. Une division du travail s'est instaurée à l'échelle de l'Asie orientale, qui permet de fabriquer des pièces détachées dans les pays d'Asie du Sud-Est ou au Japon et de les assembler en Chine. Cela signifie que les industries qui vont rester localisées au Japon seront limitées aux biens à forte valeur ajoutée.

L'intégration économique asiatique ne souffre-t-elle pas du manque de cadre politique ?
- L'intégration de l'Asie orientale a fait un pas de géant ces quatre dernières années. Entre 1985 et 2003, les échanges commerciaux mondiaux ont été multipliés par quatre, mais par près du double en Asie orientale. Les échanges commerciaux intra-Asie orientale représentent plus de 50 % des échanges de la zone, contre 55 % pour l'UE et 45 % pour l'Alena. Cette intégration est la meilleure réponse que nous pouvons trouver face au vieillissement de la société japonaise et pour que nos entreprises conservent une bonne productivité.

Jusqu'où peut aller l'intégration ?
- Mon sentiment est qu'une zone de libre-échange d'Asie de l'Est pourrait voir le jour d'ici à 2010. La Chine doit finir de remplir ses engagements auprès de l'OMC d'ici à 2007. Le Japon, la Corée et la Chine pourront alors intensifier leurs négociations en vue d'un accord de libre-échange sur une base régionale, en l'élargissant à l'accord de libre-échange des pays d'Asie du Sud-Est.