JETRO dans la presse

La croissance japonaise au plus haut depuis l'éclatement de la bulle boursière
Par Laurent Chemineau


La Tribune, 19 février 2004

Avec une croissance de 7 % en rythme annualisé au dernier trimestre 2003, l'économie japonaise peut espérer sortir d'une décennie de marasme. Mais le rebond ne doit pas masquer les faiblesses structurelles du Japon, pénalisé par l'appréciation du yen.



Le Japon est arrivé à un "point de retournement" cette année. C'est par ces commentaires porteurs d'espoir, après treize années de difficultés économiques, que le vice-président de la Banque du Japon, Kazumasa Iwata, a accueilli le spectaculaire bond du taux du PIB nippon au dernier trimestre de 2003 : + 1,7 % entre octobre et décembre par rapport au trimestre précédent, soit + 7 % en rythme annualisé. C'est le chiffre le plus élevé depuis 1990, lors de l'éclatement de la bulle boursière. La performance de l'économie nippone l'an dernier résulte principalement du dynamisme des exportations. En moyenne en 2003, la croissance atteint 2,7 %.

Faut-il considérer pour autant que "Japan Inc." est de retour ? Le Japon a traversé une décennie qualifiée de "perdue" tout au long des années 1990. L'éclatement de la bulle spéculative, à la fin de 1989, a ruiné nombre d'entreprises, fragilisé les classes moyennes et les banques et détourné les investisseurs internationaux. Après de multiples plans de relance et une succession de récessions, l'archipel semble enfin sur la voie de la guérison.

Sorti de la récession. A Tokyo, Kazumasa Iwata est connu pour être le plus optimiste des neuf membres du Conseil de la politique monétaire de la BOJ. D'autres économistes jouent la prudence : "Il est clair que le Japon est sorti de la récession", explique Jean-Marie Bouissou, du Ceri, mais il y a de nombreux facteurs qui peuvent faire dérailler la reprise", commente-t-il en référence aux faiblesses structurelles du pays (endettement, créances compromises...).

"C'est principalement le commerce extérieur qui tire la croissance", résume Isabelle Job, économiste au Crédit Agricole. Au dernier trimestre 2003, les exportations ont augmenté de 18 % en rythme annualisé, poursuit l'économiste qui rappelle que les indicateurs nippons doivent aussi être examinés à la lumière de la déflation dont souffre toujours le pays. Ainsi le taux de croissance du PIB ressort à 0,7 % seulement au dernier trimestre 2003 une fois corrigé par le phénomène de baisse des prix, explique Isabelle Job.

L'Asie et particulièrement la Chine absorbent désormais 46 % des débouchés du commerce extérieur nippon, selon les données du Centre japonais du commerce extérieur (Jetro). La Chine pèse 12 % des exportations du Japon, une Chine dont la croissance atteint 9,1 %.

Mais la demande occidentale a aussi apporté une contribution cruciale au rebond (les Etats Unis achètent 24 % des marchandises nippones exportées). Le Japon a misé sur les produits à forte valeur ajoutée, utilisant la Chine ou d'autres pays émergents asiatiques comme lieux d'assemblage à moindre coût : "Au Japon aujourd'hui tous les téléphones mobiles sont munis d'une caméra. Sharp maîtrise la technologie des écrans plats. Une entreprise Comme Seiko Epson travaille aux technologies du futur ", explique Tsuyoshi Nakai, directeur général du Jetro à Paris. Tokyo moissonne ainsi les bénéfices de cette division du travail.

Premiers bénéficiaires de l'embellie, les entreprises exportatrices dont les profits augmentent. C'est la restauration de leurs comptes qui explique la vigoureuse hausse des investissements des entreprises en 2003 : + 22 % au dernier trimestre. Ce bond est le second facteur de dynamisme de l'économie. Mais il est très dépendant des recettes d'exportation, les entreprises ayant toujours un accès difficile aux financements des banques dont la santé reste fragile.

Risque. Qu'adviendrait-il si le rythme des exportations ralentissait ? Même si jusqu'à présent les exportateurs ont su s'accommoder de la vigueur du yen (105,7 pour un dollar), qu'en sera-t-il si le dollar continue sa glissade ? De plus, le dynamisme chinois va s'essouffler l'an prochain, selon Pékin. Certes, l'année 2004 paraît hors de cause : "Compte tenu de l'acquis de croissance l'année se soldera par une hausse du PIB d'au moins 1,8 %", calcule Isabelle Job. Mais au-delà, l'archipel pourra difficilement compter sur la consommation des ménages pour relayer le dynamisme des exportations. Celle-ci devrait rester faible dans les prochains mois : "Les entreprises poursuivront les ajustements en termes d'effectifs et de salaires", prévoit Sophie Mametz à CDC Ixis. Or la consommation privée représente 56 % du PIB.